– Fay’ – Le Voile d’Ombre
Typologie : Prototype de maison familiale modulaire
Localisation : Émirats Arabes Unis (contexte urbain / périurbain)
Climat : Aride désertique (BWh selon Köppen)
Surface : 280 m² à 420 m²
Statut : Concours international – Buildner “House of the Future” 2024–2025
Client visé : Familles locales, projets pilotes, recherche urbaine
Objectifs : Modularité, résilience climatique, accessibilité, reproductibilité
Équipe : SAAP Architecture – Aodren Antien, Géraud Pizon
Contexte & intention:
Fay’ – Le Voile d’Ombre est un prototype d’habitat résidentiel conçu pour les familles émiraties contemporaines.
Il répond à un appel à idées du gouvernement des Émirats arabes unis, dans le cadre du Programme Mohammed Bin Zayed Residential Housing, qui vise à développer des maisons individuelles accessibles, durables et climato-résilientes, en harmonie avec les valeurs culturelles, les modes de vie locaux et les conditions environnementales extrêmes.
Pensée comme une réponse réaliste et réplicable à l’échelle domestique comme territoriale, la maison s’inscrit dans une logique de déploiement à grande échelle, à travers des dispositifs d’aide publique, des subventions foncières ou des modes de financement sans intérêt.
Fay’ conjugue efficacité énergétique, modularité et ancrage culturel dans une architecture sobre mais ambitieuse, adaptée aux transformations sociales et aux défis climatiques du XXIe siècle.
Une maison visionnaire enracinée dans la tradition:
Fay’ – en arabe « l’ombre portée » – est une maison qui murmure la langue du désert, où l’ombre n’est pas seulement un abri mais une présence sacrée, structurante, et fondatrice d’un nouvel art de vivre.
Inspirée des architectures islamiques vernaculaires, elle puise dans la sagesse ancestrale pour construire une réponse résolument contemporaine, adaptée au climat extrême et aux modes de vie en mutation.
Son enveloppe climatique – le voile de Fay – articule performance environnementale et symbolique spatiale. Galeries (riwaq), voiles filtrants (mashrabiyas), patios (sahn) et tours à vent (barjeel) composent un système passif d’ombrage, de ventilation et de rafraîchissement.
• Le riwaq, galerie périphérique couverte, assure une circulation protégée en lien avec le jardin et le voisinage. Il intègre un canal (nahr) qui permet le ruissellement de l’eau et renforce la fraîcheur.
• Le sahn, vaste cour centrale, est rafraîchi par un salsabil (bassin et fontaine) dont l’eau s’écoule doucement sur les murs végétalisés et dans les bacs plantés, créant un effet de microclimat par évaporation.
• La mashrabiya, voile filtrant ajouré, devient ici une peau bioclimatique double, en tasseaux de bois, aluminium recyclé et tôle perforée, qui protège les façades et les toitures tout en laissant passer la lumière et l’air.
• Le barjeel, tour à vent hybride, canalise la brise pour la diffuser pièce par pièce. Son efficacité est renforcée par l’air déjà rafraîchi au niveau du sol grâce à la végétation, à l’humidité du jardin et aux effets conjugués du ruissellement.
Aux heures les plus chaudes, des dispositifs de brumisation ponctuelle (sur toiture, patios ou coursives) peuvent être activés en complément pour accentuer le confort thermique, sans recours à la climatisation massive.
Fay’ réinterprète ces éléments avec sobriété et exigence. Elle propose un habitat modulaire, économe et climato-adapté – entre poésie spatiale, rigueur constructive et conscience environnementale.
Concept et usage: une maison pour toutes les saisons
• Plan libre et usage saisonnier
Le rez-de-chaussée est intégralement libéré des contraintes structurelles, grâce à une trame répétée (6×6 / 3×3 / 2×2 / 1×1) qui permet de concentrer les porteurs et de libérer l’espace de vie. Cette souplesse permet une ouverture totale sur l’extérieur de mi-octobre à mi-avril grâce à un seul modèle de baie pivotante répétée.
En saison chaude, les espaces de vie sont clos mais lumineux : le porte-à-faux du bloc nuit, les galeries en arcades (riwaq) et la végétation filtrent naturellement la lumière sans bloquer la ventilation.
Côté rue, les locaux techniques et les chambres du personnel assurent un filtre protecteur, tout en garantissant une autonomie fonctionnelle.
• Bloc nuit en quinconce
À l’étage, chaque chambre dispose d’une salle de bain, d’un dressing et d’une terrasse privée sans vis-à-vis.
L’intimité est assurée par une orientation croisée, des murs filtres, une végétation stratégique et des mashrabiyas.
La ventilation traversante est rendue possible par des ouvrants opposés et des couloirs de circulation d’air.
Le plan peut être facilement reconfiguré pour ajouter des chambres ou agrandir les terrasses, selon les besoins (extensions, évolutions familiales, accueil temporaire…)
• Family Room centrale
Lieu de vie privé au cœur de l’étage, cette pièce connecte les chambres autour d’un patio supérieur. Salle de jeux, salle de cinéma, chambre d’appoint, salle de soins ou bureau partagé : elle incarne la flexibilité et la convivialité de la maison, dans une logique d’évolution générationnelle.
• Majlis et seuil habité
Véritable symétrique de la Family Room, le Majlis occupe une position stratégique à l’entrée de la maison.
Lieu d’accueil, il permet de recevoir sans franchir le seuil de l’intimité domestique.
Il peut être rendu totalement indépendant grâce à un système de rideaux acoustiques et de panneaux coulissants, et s’accompagne d’un vestiaire et de sanitaires/ablutions.
Ce seuil semi-public réinterprète une tradition essentielle de l’hospitalité émiratie : tout le monde n’entre pas chez soi, mais tout le monde est bienvenu au Majlis.
• Toit habité et cuisine d’hiver
Le toit devient un espace de vie saisonnier, idéal pour profiter des brises nocturnes ou observer le ciel.
En contrebas, la cuisine d’hiver prolonge les usages domestiques vers un jardin minéral, combinant végétation luxuriante là où la vue le permet et paysages secs en second plan.
Une terrasse ouverte sur l’extérieur permet de cuisiner et partager en famille, même aux intersaisons.
“Le plan libre est réinterprété avec intelligence environnementale – une générosité d’espace rendue possible par la technologie climatique.”
COUPES
Système constructif & stratégie matériaux:
Standardisation raisonnée pour performance augmentée
• Trame modulaire répétée
6×6 m → 3×3 m → 2×2 m → 1×1 m
→ Une logique « pixel » pour composer tous les espaces, du patio au mobilier.
• Ouvertures standardisées
1 modèle de baie vitrée pivotante
1 modèle de porte
1 type de fenêtre
→ Répétition maîtrisée = réduction des coûts + clarté formelle.
• Éléments préfabriqués
– Portiques béton préfabriqués
– Panneaux imprimés 3D
→ Isolation intégrée + sable sec local
• Matériaux biosourcés et sobres
– Soubassement en terre comprimée
– Béton bas-carbone
– Enduits d’argile & chaux naturelle
– Pavés perméables en huîtres concassées
• Finitions brutes, sans redondance
→ Matériaux nobles et utiles uniquement
→ Budget recentré sur la performance environnementale (passive/active)
• Économie & évolutivité
→ Moins d’éléments, plus de cohérence
→ Rationalisation des volumes et extensions facilitées
“Ce n’est pas du minimalisme, c’est de la précision : réduire le superflu pour financer l’essentiel.”
Modularité & évolutivité:
• Une maison pensée pour évoluer avec la vie : agrandir, adapter, accueillir.
• Structure modulaire et standardisée, permettant des extensions verticales ou latérales sans démolition.
• Espaces reconfigurables à volonté : cloisons coulissantes, rideaux acoustiques, pièces ouvertes ou isolées selon les besoins.
• Usages multiples intégrés : télétravail, soin à domicile, logement indépendant ou studio temporaire.
• Une architecture qui accompagne les mutations du quotidien, sans jamais les contraindre.
Scénario familial évolutif
Un couple s’installe. Un enfant naît. Puis des jumeaux… Les grands-parents viennent aider.
La maison s’ajuste — une pièce devient chambre, une terrasse devient salon.
Toujours la même maison, mais jamais la même vie.
Scénario résidentiel intégré
Un espace de télétravail en open space, transformable en chambre d’appoint ou en salle de soin.
La terrasse devient un patio couvert pour les repas d’hiver.
L’architecture accompagne les scénarios de vie, sans les figer.
Scénario collectif ou locatif
Un studio indépendant pour un étudiant, un parent isolé ou un soignant de passage.
Possibilité de sous-location ou cohabitation temporaire.
"One house, many lives."
Intelligence environnementale: systèmes & synergies
Trois grands systèmes s’articulent à l’échelle du foyer et du quartier :
Apport d’air frais – Puits canadien collectif
• Air rafraîchi via canalisation enterrée (inertie thermique).
• Filtres à sable/particules + grilles de diffusion au sol.
• Assistance active au besoin (ventilation pilotée).
• Végétalisation stratégique (mur végétal, bac de condensation, toiture brumisée).
Évacuation d’air chaud – Barjeel hybride
• Refroidissement passif par effet cheminée et tours à vent
• Système push-pull discret en appoint si absence de vent
• Pilotage pièce par pièce selon l’usage (passif prioritaire)
• Ouverture intelligente selon tirage, orientation, chaleur et tempêtes de sable
Eau – Gestion intégrée & circulaire
• Récupération des eaux pluviales à double échelle (quartier + maison).
• Filtration physique + charbon actif.
• Réutilisation domestique + irrigation + fontaines.
• Boucle fermée possible : phytoépuration, aquaculture.
Intelligence environnementale intégrée
• Architecture passive : orientation, ombre, ventilation naturelle.
• Usage raisonné : lumière, air et énergie activés selon les besoins.
• Technologies discrètes : systèmes hybrides et pilotage local.
• Habitat anticipatif : adaptation saisonnière et confort ciblé.
“Fay’ est une brique dans une micro-infrastructure écologique.”
Vision urbaine & ancrage local:
Le projet s’inscrit dans une logique de continuité entre l’intimité domestique et les dynamiques collectives du quartier.
Les clôtures ajourées laissent passer la lumière et la brise tout en garantissant la sécurité et la discrétion.
L’organisation non orthogonale du parcellaire évite l’uniformité et favorise une diversité d’usages et de situations, à l’image des villages traditionnels.
À l’arrière, un wadi paysager structure l’espace public autour d’un couloir végétalisé et technique.
Il canalise les eaux pluviales, favorise la ventilation naturelle, et devient un lieu partagé entre jeux d’enfants, jardin de voisinage, et zones de fraîcheur.
Chaque maison devient ainsi perméable sans être vulnérable : elle participe à la vie du quartier sans compromettre l’intimité des habitants.
Ce tissage entre air, ombre et eau constitue une matrice commune, une langue sensible que partagent toutes les habitations.
“C’est par la brise, l’ombre et l’eau que les maisons se parlent.”
Stratégie environnementale synthétique:
• Lumière & soleil
Voiles d’ombrage, galeries en déport, lumière filtrée par les mashrabiyas, enduits clairs pour limiter la surchauffe tout en garantissant une belle luminosité naturelle.
• Ventilation naturelle
Orientation optimale, ventilation traversante, barjeel (tour à vent), effet cheminée, mashrabiyas, patios et fontaines (salsabil) pour renforcer le confort thermique.
• Gestion de l’eau
Rétention et infiltration au sol, récupération partielle des eaux grises, rigoles végétalisées (nahr), brumisation passive, humidification des patios et toitures les jours les plus chauds.
• Matériaux
Structure à forte inertie, enveloppe respirante, voiles ajourés à base de bois local et d’aluminium recyclé, préfabrication raisonnée pour limiter l’impact carbone et faciliter la mise en œuvre.
• Échelle urbaine
Parcellaire irrégulier pour éviter l’uniformité, courées d’air et alignement poreux pour ventiler le quartier, plantations croisées, wadi technique et paysager pour canaliser air, eau et voisinage.
"Un quartier vivant, où chaque maison participe à un écosystème commun.
Plus qu’une optimisation technique, Fay’ orchestre un climat."
PRINCIPES
Technologies partenaires & pistes d’intégration:
Fay’ n’est pas un modèle isolé, mais une brique adaptable dans un écosystème plus vaste.
Son approche peut dialoguer avec de nombreuses technologies et stratégies éprouvées dans les milieux arides.
SAAP identifie plusieurs leviers pour enrichir ou prolonger le prototype à l’échelle du bâtiment, du quartier ou du territoire.
• Énergie & stockage thermique
Stockage intersaisonnier de chaleur par sable (SandTES, Polar Night Energy).
Microgrids autonomes et partagés à l’échelle du quartier.
Production solaire passive + batteries solides à longue durée de vie.
• Cycle de l’eau & autonomie hydrique
Serres à eau de mer (Seawater Greenhouse) : condensation + irrigation.
Récolte atmosphérique par brume ou rosée (fog harvesting).
Demi-lunes de régénération des sols (Al Baydha, techniques sahéliennes).
Filtration et réutilisation des eaux grises à petite et grande échelle.
• Recyclage & circuits courts
Compostage sec et biochar pour les déchets organiques.
Micro-usines de valorisation (liquides, boues, déchets mixtes).
Réemploi des matériaux grâce à une conception démontable et standardisée.
• Bioclimatisme & remédiation
Tours à vent (barjeel) et variantes de ventilation passive.
Toits habités et jardins tampons pour l’inertie thermique.
Potagers filtrants et serres productives en cultures raisonnées.
• Prototypes & urbanisme désertique
Modèles expérimentaux : Masdar City, Sahara Forest Project…
Urbanisme compact et climato-orienté (vent, ombre, sol).
Plans masse régulateurs de microclimats à l’échelle du quartier.
Fay’ agit comme un connecteur. Chaque maison devient une cellule ouverte, capable d’évoluer, d’accueillir, de produire ou de recycler — au service d’un habitat durable, collectif, et régénératif.
Fay’ vs Habitat traditionnel:
Élément
Plan
Climat
Eau
Construction
Coût global
Évolution
Habitat classique
Figé, cloisonné
100 % climatisé
Réseau centralisé
Maçonnerie in situ
Élevé + conso permanente
Inflexible
Fay’
Ouvert, évolutif
Passif + hybride
Récupération & réutilisation
Préfabriqué standardisé
Réduction via répétition
Adaptable aux modes de vie
Vers la réalisation:
Même si l’estimation précise est difficile sans données locales, la stratégie vise à :
· Réduire drastiquement les consommations sur 5–10–20 ans (climatisation, eau, énergie) ;
· Réinvestir les économies dans la qualité spatiale et les usages partagés ;
· Proposer un modèle duplicable, à l’échelle du lot ou du quartier ;
· Favoriser le phasage : module central puis extensions selon les moyens ou les étapes de vie.
Budget prévisionnel indicatif : basé sur une stratégie de standardisation constructive visant une réduction de 20 à 30 % des coûts par rapport à un chantier traditionnel, à surface et confort équivalent.
L’ajout de systèmes climatiques actifs/passifs performants représente un surcoût estimé à +20 %, largement compensé sur 20 ans grâce à une consommation énergétique proche de zéro (notamment sur la climatisation et l’eau).
Fourchette cible (référence concours) : de 800 000 à 1 000 000 AED, selon les options retenues (modules solaires, extensions, domotique environnementale…). Cette enveloppe s’inscrit dans les objectifs de faisabilité du programme « House of the Future » lancé par les Émirats.
Enfin, le projet est potentiellement éligible à des programmes de financement nationaux (aides foncières, subventions à la construction durable) ou à des crédits islamiques sans intérêt dédiés à l’habitat climato-responsable, favorisant l’accessibilité financière du prototype à moyen et long terme.
Vers une maison du futur…
Ancrée dans la terre, façonnée par la culture, guidée par les besoins à venir.
“Conçue pour les déserts d’aujourd’hui, Fay’ pourrait bien répondre aux villes de demain.”
PANNEAUX DE CONCOURS
Analyse & avis du jury — Buildner
Le projet Fay’ – Le Voile d’Ombre a été salué par le jury du concours House of the Future 2025 comme l’une des propositions les plus ambitieuses, à la fois poétique, technique et profondément contextuelle.
Il a obtenu d’excellentes évaluations lors de l’analyse graphique et narrative, démontrant une forte cohérence entre le propos, les choix architecturaux et la clarté de présentation.
Extraits du Jury Review , juillet 2025:
“Fay’ est l’un des projets les plus radicaux, à la fois poétique et technique. Ce n’est pas une maison, c’est un système de vie.”
“La compréhension des saisons et des usages est remarquable : l’architecture respire avec le climat.”
“Le propos est ambitieux, mais parfaitement contrôlé. Le projet propose une nouvelle manière d’habiter les climats arides.”
– Projet du concours international “House of the Future” – Buildner / UAE 2024-2025
– Présenté dans la section Research de l’agence SAAP
– Partagé sur LinkedIn / Instagram / Archilovers à la parution officielle
